Libération de Royan en avril 1945

Rédigé par Alain dans la rubrique Brigade Rac, Libération

La prise de Royan (extrait du livre la brigade Rac):

Deux groupements d’attaque avaient été constitués par le général de Larminat, commandant en chef : la division Gironde aux ordres de son adjoint le général d’Anselme, et la brigade Oléron sous le général Marchand.

La division Gironde attaqua le 14 avril au matin, et disposée sur un front étroit de 10 kilomètres (de Saujon à Meschers), fonça droit sur Royan qu’elle atteignit pratiquement le soir grâce à ses chars.
La brigade Oléron ne devait relayer l’attaque initiale que le 16 au matin en traversant la Seudre de vive force pour prendre à revers les défenses ennemies dans la presqu’île d’Arvers.
L’ordre de bataille avait prévu que le 1er Bataillon du 50ième R.I ferait partie de la division Gironde, alors que les 2 et 3ième bataillons seraient affectés à la brigade Oléron.

Action du 1er bataillon le 14 avril

L’objectif de la 1ère Compagnie est la Petite‑Tremblade. Il sera atteint à 7 h 20 sans trop de mal.
En ce qui concerne la 2ième Compagnie, ça ne va pas tout seul !. Voici ce que raconte le capitaine Jacques, son chef :

Le tir d’artillerie se déclenche à 6 h 25, c’est un formidable roulement sur l’ensemble du front, le rougeoiement du ciel est comparable à un immense incendie, le bruit est infernal. Il faut hurler les ordres.
Nous progressons toujours et atteignons La Petite‑Tremblade, nous dirigeant sur Brie en empruntant, d’une part la route de Brie, d’autre part la lisière Est des bois de Brie que nous atteignons vers 7 heures.
Le sergent Estienne - 9ième Cie
Sur mon ordre, les sections Antoine, Trousset, Wagner, progressent sur Brie. Le terrain est découvert, l’ennemi nous domine : seul un petit chemin offre un faible camouflage. Les Allemands n’ouvrent le feu qu’à 100 mètres de nos premiers éléments.
Le reste du bataillon entre aussi en contact étroit avec l’ennemi, qui lui inflige des pertes sévères et rend la progression pénible. Il est environ 7 h 30.

A ce moment, dans le secteur de la 2ième Compagnie, un peloton de chars venant de Vertin contourne Brie par le nord et passe à l’ouest des fermes.
Nous progressons toujours espérant les voir attaquer le village. Nos éléments avancés arrivent à moins de cinquante mètres des positions allemandes. Je cherche alors à prendre liaison avec les chars qui passent sans s’occuper de nous et se bornent à tirer quelques rafales sur les Allemands et les maisons. Ils repartent, nous laissant seuls face à face avec eux !. Les Allemands, qui s’étaient camouflés à la vue des chars, ouvrent alors sur nous un feu nourri. Nous avons plusieurs morts et blessés.

Le courage des hommes reste magnifique, et, malgré leur position critique, pas un ne recule . Nous sommes en plein champ de mines; il y a des pièges partout. Le boche, bien abrité, tire par rafales de F. M. ou au fusil. Quelques hommes de Wagner progressent dans la prairie et arrivent derrière Brie. A ce moment des boches embusqués au coin du bois tirent par rafales avec deux F.M. ; quatre autres tirent aussi des maisons. La situation est de plus en plus critique. Je demande l’appui d’un tir d’artillerie ; il est beaucoup trop long, tombe deux ou trois cents mètres trop à droite et reste complètement inefficace. Je fais alors intervenir un groupe de mortiers de la C. A. et deux mitrailleuses du groupe Frontin ; nous arrivons ainsi à faire taire les armes automatiques ennemies et les tireurs.

10 h 30 : nous tenons toujours nos lignes, mais la progression s’avère impossible. Pour entrer en contact avec les unités de première ligne, je dois ramper car les balles passent à 30 cm de hauteur. Ce genre de progression, pénible en lui‑même, est rendu encore plus difficile par les nombreux fils de mines qui se croisent dans tous les sens. Aidés par plusieurs spécialistes nous commençons à procéder au déminage. Un char revient vers nous. Le lieutenant qui le commande est grièvement blessé. Avec Antoine, nous le sortons de sa tourelle malgré les balles qui chantent autour de nous. Je demande au char de nous appuyer en réduisant une position de F.M. ennemie ; hélas il n’a plus de munitions et regagne Vertin ! Toujours aidé d’Antoine, je réussis à faire évacuer le blessé et en profite pour faire demander au chef de peloton son appui pour pénétrer dans les fermes.

Le capitaine Fred (de dos)
11 h 30 : le commandant Plassard avise le capitaine Jacques que la 3ième Compagnie va attaquer par le sud et le sud‑ouest. Nous continuons à progresser lentement et nous voyons les premiers éléments de la 3ième Compagnie qui cherchent à s’infiltrer dans le village.

Après un premier échec, et un regroupement effectué à la lisière des bois malgré les pièges et les mines, ils arrivent à quelques mètres des premières maisons. Pendant ce temps, et devant la résistance des Allemands, le commandant Plassard a de nouveau demandé l’appui du peloton de chars. L’ennemi, à l’abri dans d’excellentes casemates, exécute sur nos troupes des tirs individuels extrêmement meurtriers que ni nos armes automatiques ni nos mortiers n’arrivent à neutraliser.

Vers midi, cependant, nos éléments serrent de plus près les maisons de Brie et en commencent le nettoyage. Vers 13 h 50 le peloton de chars demandé arrive enfin, mais l’occupation est pratiquement terminée. Les boches ne réagissent plus; certains ont pu s’échapper, les autres sont faits prisonniers. A 13 heures Brie est pris. Toutes les maisons sont fouillées et les 2ième et 3ième Compagnies s’installent défensivement face à l’Ouest.

Cette opération prélude à la prise de Royan en mettant entre nos mains une position clef. Sa possession était cependant chèrement payée : la 2ième Compagnie comptait à elle seule sept morts, dont Pierre Chabasse et Gamin, qui s’étaient comportés d’une manière particulièrement héroïque. A côté d’eux il y eut aussi de nombreux actes de bravoure parmi lesquels celui de Dzoudzevitch, jeune volontaire de dix‑huit ans, qui se fit tuer en voulant ramener un camarade blessé. Phelippeau (dix‑huit ans), plus heureux, ne fut que blessé en voulant lui aussi secourir Chabasse et Gamin. Parmi les blessés, tous très jeunes, plusieurs sont restés de longues heures sur le terrain sans proférer une plainte, incertains d’être secourus.
Dans son rapport, le commandant Plassard tirera de façon magistrale les conclusions de cet engagement qui fit ressortir la valeur des F.F.I. et le peu de moyens dont ils disposaient.
La réduction du point d’appui de Brie, résolue pratiquement par des moyens d’infanterie, a coûté des pertes assez sévères. L’emploi des chars en parfaite liaison avec l’infanterie aurait rendu cette opération moins coûteuse.

Voici maintenant le compte rendu du lieutenant Brachet, commandant la 3e Compagnie. Nous le reproduisons intégralement.

Aux Armées, le 18 avril 1945
GROUPE JEAN‑MARIE
50e R.I.
3e Compagnie

Compte rendu des opérations effectuées par la 3ième Compagnie du 14 au 17 avril 1945

Le 14 avril 1945, l’unité est rassemblée à 5 h 30.

Mission de la Compagnie :

S’emparer du bois situé au sud de Brie et s’installer aux lisières ouest et sud‑ouest de ce bois.

Ordres donnés par le commandant de compagnie:


Formation de la compagnie par sections successives. Ordre de progression : 3ième, 2ième, 1èr et section de mitrailleuses et engins. Des ordres de détails seront donnés en cours de la progression.

A 6 h 25, l’artillerie effectue son tir sur les positions ennemies. L’unité progresse jusqu’à la voie ferrée Saujon ‑ La Tremblade, où elle s’installe en attendant la levée des tirs. Elle reprend sa progression vers 7 h après le passage des chars.

A 7 h 30, tirs d’artillerie ennemie sur l’axe de progression de l’unité (peu dense). La 3ième section, commandée par le sous‑lieutenant Gros, est prise à partie de flanc par les armes automatiques ennemies, situées dans Brie. Cette section fait face à Brie, puis attaque cet objectif. Ses premiers éléments seront finalement stoppés devant les champs de mines protégeant Brie et à 100 m environ des premières maisons.

La deuxième section (aspirant Vieugeot) reçoit l’ordre de se placer à droite de la 3ième section afin de l’appuyer par son feu et d’assurer la liaison avec la deuxième compagnie. Les deux sections, sérieusement accrochées, ne peuvent être récupérées à l’exception de deux groupes de la 2ième section qui rejoindront l’unité dans la matinée.

Ordre est donné à la 1ère section de progresser sur le bois de Brie. Appuyée par la section de mitrailleuses, la 1ère section traverse le bois de Brie et atteint l’objectif de la compagnie à 8 h 10. La section de mitrailleuses l’a rejointe peu après. Elles s’installent aux lisières ouest du bois et assurent la liaison avec la 6ième B.P.T.N.A. (Bataillon porté de tirailleurs nord‑africains). 

A 8 h 30, deux groupes de la 1ère section sont retirés. Le premier groupe reçoit l’ordre de se porter sur Brie en utilisant les lisières ouest du bois, afin d’assurer la liaison avec la 2ième compagnie. Après avoir traversé plusieurs réseaux de mines, ils se portent en 420‑95. La liaison ne peut être assurée.
Le deuxième groupe reçoit l’ordre d’attaquer Brie par la route des Bonshommes‑Brie ; il est rapidement arrêté par un réseau de mines « piquet » et de mines « S ». 

A 9 h 20, le commandant de compagnie fait décrocher la 2ième section ; deux groupes seulement y parviennent après un long délai. Ils ne rejoindront qu’à 10 h 45. Pendant ce temps, un groupe de la 1ère section démine la route Brie‑Les Bonshommes sous la protection du F. M. et du lance‑grenades.

A 11 heures, deux lance‑grenades (1ère et 2ième sections) sont mis en batterie sur Brie et lancent chacun vingt grenades. Aussitôt le tir terminé, le commandant de compagnie prend personnellement le commande­ment des éléments disponibles (deux groupes de la 1ère section, les deux groupes de la 2ième section et l’élément de la section de commandement). Les deux groupes de la 2ième section qui progressent sur la droite de la route Brie‑Les Bonshommes sont presque aussitôt stoppés par un réseau de mines. Le reste des éléments parvient jusqu’aux premières maisons de Brie et tire sur les ouvertures, car les Allemands continuent à faire feu sur la 3ième section et le groupe de la 2ième section qui n’a pu décrocher. La fouille des maisons et la progression dans les rues ne peuvent être entrepris en raison des barrages de fagots, fils de fer, etc., le tout miné et piégé.



A 12 heures, les chars arrivent et progressent dans les rues de Brie ; la Compagnie se déplace derrière eux et entreprend le nettoyage du village. Immédiatement après l’unité est installée en position défensive sur les lisières ouest du bois de Brie en liaison à droite avec la 2ième compagnie qui rejoint nos éléments une demi‑heure plus tard. 
La liaison  avec le 6ième B.P.T.N.A., qui avait été effectuée le matin, est maintenue.

Le 15 avril 1945, à 15 heures, l’unité effectue une patrouille sur le grand Aubat. Le P.C. du lieutenant commandant les avants‑postes allemands est au village des Maries. Les civils de ce village sont évacués sur Brie en raison des tirs d’artillerie et de l’aviation.

L’unité reste en position à Brie jusqu’au 16 avril1945 à 18 heures, heure à laquelle elle se déplace pour rejoindre le secteur de Breuillet, où elle  fait du nettoyage dans les villages suivants : Breuillet (bois), Le Candé, Billot, Les Renouleaux, Chalezac, Lortuge, Gouin, Le Gralet, La Simandière et La Prade.

Le 17 avril 1945, l’unité stationne au Gralet et effectue une patrouille sur les villages du Breuil et La Font.

Le 18 avril 1945, la compagnie au complet fait mouvement sur Mornac-sur-Seudre. Au cours de ces opérations, l’unité a eu cinq tués et douze blessés et a fait soixante‑dix‑neuf prisonniers plus douze remis à un camion américain par l’adjudant Chapeyroux (détail ci‑contre).

Tués :

  • Gros Pierre, sous‑lieutenant : tué d’une balle à la tête, à 8 h 45 le 14 avril 1445, en entraînant sa section à l’assaut de Brie ; après avoir été blessé d’une balle au bras droit. (Lien)
  • Carabin Charles, sergent‑chef : blessé mortellement d’une balle au ventre, à 8 h 30, devant Brie le 14 avril 1945.
  • Tillier Jacques, sergent : blessé mortellement devant Brie le 14 avril 1945 à 9 heures, d’une balle dans le bassin. 
  • Parisien Gabriel, 1ère classe : blessé mortellement d’une balle à la tête devant Brie, le 14 avril 1945 à 8 h 30, en voulant secourir son sous-officier qui venait d’être blessé. 
  • Raynaud Jean‑Marie, 2e classe : tué d’une balle à la tête à 8 h 45 devant Brie, le 14 avril 1945. 
     
Blessés :

  • Pannier Robert, sergent‑chef : blessé d’une balle à l’avant‑bras droit au cours de l’attaque de Brie, à 8 h 30, le 14 avril 1945.
  • Coutaud André, sergent : blessé à la jambe gauche par une mine à 8 h 30, devant Brie, le 14 avril 1945. 
  • Mazeau René, sergent : blessé à la jambe droite par une mine au cours de l’attaque de Brie, le 14 avril 1945 à 11 h 30. 
  • Bourdeille René, caporal : blessé aux deux jambes par une mine au cours de l’attaque de Brie, le 14 avril 1945 à 8 h 30.
  • Feyfant Raymond, 1ère classe : blessé par une balle à la main droite devant Brie, le 14 avril 1945 à 9 heures.   
  • Breton Maurice, 1ère classe : blessé au ventre par une mine devant Brie, le 14 avril 1945 à 9 heures.
  • Hurtaud André, 2e classe : blessé au‑dessus des parties par une mine devant Brie, le 14 avril 1945 à 11 h 30. 
  • Hias Jean‑Louis, 2e classe : blessé d’une balle dans l’aine devant Brie, le 14 avril 1945 à 8 heures.
  • Drilhon Camille, 2e classe : blessé aux deux jambes, au côté gauche et au bras gauche par une mine le 14 avril 1945, devant Brie, à 11 h 45.    
  • Combeau René, 2e classe : blessé par éclats d’obus dans le dos devant Brie, le 14 avril 1945 à 19 heures. 
  • Jardy, 2e classe : blessé par éclats d’obus à l’avant‑bras droit et à la main droite, derrière Brie, le 14 avril 1945 à 19 heures.
  • Raynaud, 2e classe : blessé par une balle au bras droit, le 14 avril 1945, au cours de l’attaque de Brie.
  • Dubuysson : blessé par éclats d’obus aux côtés, aux bras et aux cuisses, derrière Brie, le 14 avril 1945 à 19 heures.

Capturés :  

Spack et l'abbé Bonnet
  • Deux par le 1er groupe à la prise de Brie
  • Un par le 3ième groupe à la prise de Brie.
  • Deux par la section mitrailleuses et engins au Sud-Ouest de Brie.
  • Sept par une patrouille effectuée par la 1ère section sur le Grand Aubat et les Maries.
  • Douze à Saint-Suplice
  • Vingt et un dans le bois de Breuillet par la 1ère section 
  • Trente deux au Billot par la 2ième section
  • Dix au cours d'une patrouille sur Le Breuil 

Le total des pertes du régiment au cours des combats des 14 et 18 avril est de :

Tués

Officiers : 2.
Sous officiers : 3.
Caporaux et hommes de troupe : 13

Blessés :

Sous officiers : 7
Caporaux et hommes de troupe : 41 
 
Total : 66

Extrait du journal de la Section Spéciale de Sabotage (2ième compagnie de la Brigade Rac)
Adieu ! grand Pierrot toujours rieur, si brave et si timide à la fois !

Adieu ! Gamin, si téméraire,  qui voulais tant retrouver ton chien « Rac » à Royan et faire payer cher aux boches ta captivité. 
Adieu ! Broussard, tu n'as pas encore connu la vie que déjà la mort s'empare de ton jeune, ton doux visage de jeune fille !
Adieu ! Dzoudzévitch, si courageux, si serviable, comme tu étais heureux lorsque tu nous as rejoint à Puycharnaud !
Adieu ! Du Parc, tu étais le meilleur copain dans ton originalité et tu ne songeais qu'à « rentrer dans le tas »
Adieu ! Lagarde, si jeune, mais si résolu !



Ci-dessous quelques portaits des soldats de la 9ième compagnie tués lors de la libération de Royan
Quintard Gaston

Isnard Raoul (lien)
Tallet Adrien
Villatte Guy
Méthiviers Paul
Jacquillard Marc
Chaminade Paul
Douet Raymond