Raoul Isnard "La garde"

Rédigé par Alain dans la rubrique Brigade Rac, Portrait

On l’appelait « La Garde » parce qu’il avait déserté de son escadron de la garde mobile pour venir au maquis. Il avait rejoint à Thiviers et avait été affecté à la 11ième Compagnie d’André Lavaud.

Il avait, comme chef de section, une manière tout à fait personnelle de commander (bégayant très légèrement), il excellait pour les mouvements d’ordre serré.

Sa section avait pris l’habitude de ne se déplacer qu’en rangs et en marchant au pas cadencé , excellente méthode pour la discipline et l’esprit de corps. 
Et l’on chantait ! on chantait toujours à la section d’Isnard. L’air préféré était «  Il était un petit navire qui n’avait ja... ja... jamais navigué, ohé, ohé matelot ... ».

Modeste, calme, clairvoyant, Isnard était adoré de ses hommes ; au combat c’était un lion. A la Couronne, le 30 août 1944, il ramène, à peu près seul, trente prisonniers. A l’attaque de Royan, le 16 avril 1945, il se lève pour donner sa parole d’honneur aux Allemands qu’ils peuvent se rendre sans crainte, qu’il ne leur sera fait aucun mal. C’est à ce moment qu’il tombe foudroyé d’une balle en plein front.

Isnard était fiancé depuis quelques jours à une jeune fille de Nieul‑les‑Saintes. Il l’avait connue le 5 septembre 1945, le lendemain du combat qui avait opposé, la veille, le 3ième Bataillon à la colonne de miliciens et d’Allemands venus pour piller la ville.

La tombe d’Isnard au cimetière de Reteaud a toujours été entretenue depuis 1945 avec amour. 


La fille aux mains vides poème d’Olivier Proust

Au cimetière, où sont couchés ceux des batailles,
Au cimetière tout clair dans le soleil de juin,
Une fille est venue, des fleurs dans la main ;
Et la main tremble quand elle passe la muraille.
Neuves sont les tombes alignées sous le ciel,
Sans l’ombre des cyprès, car tout est trop nouveau.
Et la fille sen va au milieu des tombeaux
Où les bouquets posés attirent les abeilles.
Elle est jeune et blonde. Femme‑enfant
Au regard d’eau pure et de larme tremblée.
Près d’un tertre où la croix porte une ombre casquée,
Son pas s’arrête, et il n’est plus que du silence dans le vent.
Elle a longtemps prié puis elle est repartie,
Toute menue entre tant de mort et de soleil.
Elle est repartie avec des pas de petite vieille,
Avec des mains toutes vides vers la vie...
Cet automne je l’ai rencontrée à l’église,
La main vide du bouquet porté à son amant ;
Une main vide et pâle oublieuse, se tendant
Vers un geste approchant une bague promise.


Fête de famille à la 11ième compagnie
Baptême de jeune Etourneau


Extrait de Coude à coude décembre 1946, entretien avec Nikolina Grimalt et ‘Tintin’ Jabière.

Pour la Toussaint (1946), nous sommes allés nous recueillir au cimetière de Retaud, auprès de nos chers disparus. Par la pensée nous étions tous réunis dans l’hommage adressé aux morts de la 9ième et de la brigade. 
Toutes les tombes étaient bien fleuries et ce geste est le moins que nous leur devons. J’ai causé un instant avec la maman d'Isnard et cela nous touché au cœur de voir sa petite fiancée, à toutes les Toussaint, venir se pencher sur celui qu’elle ne peut oublier.

English version

Raoul Isnard was known to all as 'La Garde' because he had deserted the gendarmerie 'garde mobile' and joined the Maquis at Thiviers. He was assigned to the 11ième compagnie lead by André Lavaud.

He had, as head of his section, an agreable manner and was an excellent commander of his men.His section had taken to marching in rows, an excellent way to instil discipline and team spirit.

They sang all the time in the section lead by Isnard. The most popular 'ditty' was "There was a little ship who had ne... ne... never sailed, hey, ho, sailor". Modest, calm and able to think plans through clearly, Isnard was admired by all his men. At la Couronne on the 30th August 1944 he lead away, almost alone, 30 German prisoners. At the attack on Royan on the 16th April 1945 after seeing some Germans waving a white flag he had stood up and started to instruct them to surrender and that they would not be harmed. At that moment he was shot and killed.

Isnard had been engaged for only a few days to a young girl from Nieul-les-Saintes. He had met her on the 5th September 1944, the day after the Liberation of Saintes. Isnard's tombstone, at the military cemetery at Rétaud in the Charente Maritime had always been maintained with love as described so well in the poem above by 'Olive' Olivier Proust.