Le premier contact entre Jacques Nancy et la brigade Rac

Rédigé par Alain dans la rubrique Opération spécialeBrigade Rac
Voici l'histoire du premier contact entre Jacques Nancy, chef de la Section Spéciale de Sabotage et les maquis de Dordogne-Nord (A.S.5 / Brigade Rac).
D'après les témoignages du capitaine Jacques, de Guy Berger et de René Rispard du livre Nous, les Terroristes : Journal de la Section Spéciale de Sabotage (livre deuxième) par Marc Leproux (1947)
15 juin 1944

Chez Jacques, il est maintenant trop tard, pour faire la grasse matinée ; le soleil déjà haut brille dans un ciel bleu magnifique et « en cassant la croûte » chacun commente « l'événement »«  Nous bichons comme des poux, aussi le casse-croûte matinal s'en ressent-il beaucoup., écrit Antoine (Guy Berger), qui est en veine aujhourd'hui. En effet, dit-il, le matin même, les Duruisseau m'ont annoncé une grande nouvelle, qui me soulage d'un poids énorme.

Mon père et mon camarade Laurençon viennent d'êtres libérés (son père a été emprisonné depuis le 22 février 1944). Enfin je vais être très tranquille sur leur sort et je n'aurai pas toujours à l'esprit la pensée de leurs souffrances.

Malgré ma joie je pense à la soeur de Edmond Duruisseau « Séraphin », peut-être morte à l'heure actuelle »
(Il parlait d'Andrée Duruisseau).

Dans l'après-midi Jacques et Antoine partent en moto à Nontron (Dordogne), région libérée depuis quelques jours seulement, pour prendre contact avec l'état-major de Dordogne-Nord, susceptible de leur fournir l'explosif nécessaire aux sabotages, car les réserves commencent à s'épuiser.
« Jamais je n'oublierai, écrit Antoine, ce premier contact avec le premier maquisards des barrages, qui nous arrête, l'animation fiévreuse qui règne dans la ville parcourue par les véhicules du maquis marqués de croix de Lorraine immenses et arborant bien haut le drapeau tricolore.

Séraphin     Emile     Jacques     Jacky     Marc     René
Blaireau     Clovis     Antoine
(Camp de Barbezières en Charente : juin 1944)
Nous avons pâle mine avec nos habits civiles et nos casquettes de voyons à côté de ces groupes qui font des prodiges pour se donner l'air de soldats : ici des calots, une veste kaki, des bandes molletières sur un pantalon civil ; plus loin des casques ; quelques rares privilégiés arborent une tenue kaki complète ; d'autres l'uniforme vert ou bleu marine des centres de jeunesse et tout le monde porte au bras gauche le brassard tricolore des F.F.I. Sur les visages on lit la joie et la fierté de pouvoir enfin se promener au grand soleil, d'avoir réalisé le rêve des libérateurs.
L'armement récupéré on ne sait où, est cosmopolite : fusil Lebel modèle 36, Maseurs, mousquetons rouillés, fusils anglais ou canadiens, mitraillette qui brinquebalent sur tous les dos et maints ceinturons qui s'ornent de revolvers de modèles variés.

Un fusil-mitrailleur anglais sur les marches de la Maire allonge son tromblon menaçant pour prendre d'enfilade la rue principale. Malgré le sentiment de fierté qui emplit nos cœurs, nous pensons avec une légère mieux armés et équipés.

Dans les couloirs de la Maire règne une agitation fiévreuse. Les services administratifs s'installent, tâtonnent, recensent, rassemblent dans la vie et vient des chefs des différents groupes.

Nous sommes introduits dans une salle meublée de bureaux de fortune. Vraiment nous avons triste mine. Jacques explique ce que nous sommes, ce que nous faisons et demande de l'aide pour la continuation de ils sabotages. L'accueil est assez frais. On doit nous prendre pour les plaisantins qui essaient de placer leur histoire.

- Et puis vous comprenez c'est très dangereux de se promener en zone occupée. Ce que vous faites est très bien, mais on ne peut guère vous aider.

Un grand diable, botté, revolver à la ceinture, vient d'entrer. En entendant la voix de Jacques, il se retourne et s'exclame :

- Nancy ! mon vieux, qu'est-ce que tu fais-là ?...

- Bersas ! si je croyais te rencontrer ici !

Rencontre imprévue qui réunit ces deux compagnons de captivité en Allemagne.

Au moins à présent je connais le nom de mon chef.


Dupuy et le 1er Bataillon de la brigade Rac
Thiviers 13 août 1944
Cette rencontre nous introduit dans le milieu et grâce à Bersas la confiance règne. Nous somme présentés à un certain capitaine Dupuy qui se trouve très intéressante notre activité en zone occupée.

- C'est très bien, continuez : malheureusement nous sommes en pleine organisation ; mais si vous avez besoin de quelque chose, venez me voir.

Jacques demande à voir le chef régional, le capitaine Rac (Rodolphe Cézard), qui a son P.C. vers Saint-Saud. Bientôt une traction nous emmène à travers la région coupée de multiple barrages, souvent tenus par des gendarmes qui viennent de prendre le maquis.
Pour une fois ils sont sympathiques. Ça fait tout de même bizarre de les côtoyer.
Sur la place de Saint-Saud, nous attendons le capitaine Rac et nous cassons la croûte dans un restaurant voisin. Un beau soleil réchauffe ces maisons et le paysage d'alentour me fait penser au Pays Basque, avec ses collines et les hauteurs voisines.

Le soir en compagnie de Mme Rac et de ses deux enfants nous dînons, dans l'attente de ce capitaine invisible. Attente vaine puisque nous revenons sans l'avoir rencontré.
Nous traversons Nontron et, après avoir pris congé de Bersas et de nouveaux amis, nous reprenons en moto le chemin qui nous mène dans l'obscurité de notre vie de terroristes.

« Je rencontre Rac (futur Colonel Rac), écrit Jacques Nancy, à Saint-Saud le 17 juin (deux jours après le premier contact). Il est décidé que nous nous installerions dans la région de Nontron. L'A.S.5 nous ravitaillera en vivres et explosifs, nous conserverons notre complète autonomie et n'interviendrons que dans le cas d'une attaque massive de l'ennemi ».

La Charente liberée, la S.S.S. transformée en 2e Compagnie Brigade Rac est de tous les combats de la Libération.

Ci-dessous, un extrait de l'ouvrage Nous, les Terroristes : Journal de la Section Spéciale de Sabotage par Marc Leproux (1947) :

Regiment R.A.C. 50e R.I.
Colonel Rac (Cézard).
1er Bataillon : Commandant Dupuy.
2e Compagnie : Capitaine Jacques.

Sur le front de l'Atlantique la S.S.S. est devenue 2e Compagnie du 50e R.I.
Elle continuera à faire honneur à sa réputation et à celle de son chef et sera à juste titre considerée comme la plus belle et la plus glorieuse des unités de ce Régiment.

Affiche de recrutement (collection d'Alixdom)

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