Libération de Périgueux

Rédigé par Alain dans la rubrique Brigade Rac, Libération 

L'article qui suit est extrait d’une édition spéciale du journal de la brigade Rac « Les Forces françaises » du 21 août 1944.

Les premières heures de la libération :

Périgueux est libéré... Je me suis promené dans les rues de la ville en fête, j’ai circulé au milieu de la foule, je me suis arrêté à chacun des points névralgiques de la cité périgourdine : sur les boulevards, à la Mairie, dans les grands cafés...

Partout c’est le même enthousiasme fiévreux. Un enthousiasme fait pourtant de sentiments complexes où se mêlent la joie, une immense surprise, une prodigieuse impression de délivrance et un reste d’appréhension.

On n’ose pas encore croire à une libération si rapide. On a peur que ce ne soit tout à fait vrai... Les Périgourdins ont encore dans les oreilles les coups de feu de la bataille, et hélas! d’autres coups de feu : ceux qui, jusqu’au matin, éclataient à la caserne du 35ième d’Artillerie et dont chaque rafale signifiait la mort d’un patriote !.

Il y a quelques heures à peine, les boches étaient encore les maîtres sanguinaires de la cité. Et voici que les rues sont parcourues par l’Armée de la Résistance, par ces gars du maquis qu’on n’attendait pas si tôt. C’est trop beau, c’est trop soudain...

Une foule immense acclame les F. F.I. sur la place de la Mairie, dont le balcon est pavoisé aux couleurs des Alliés. D’immenses drapeaux flottent dans le soleil écrasant de cet après‑midi orageux. A chaque convoi qui passe, ce sont des acclamations, des cris de joie. On jette des fleurs, on ne sait plus comment exprimer sa gratitude et son enthousiasme. Ma voiture a du mal à se frayer un passage dans une inextricable cohue. Je passe à côté d’une auto découverte surmontée d’un grand drapeau anglais, deux officiers britanniques ‑ un capitaine et un lieutenant ‑ qui ont assisté quelques jours avant à la libération de Brive, y ont pris place et parcourent lentement la ville.

Près du pont Saint-Georges, je suis arrêté par un tout petit garçon de dix ans à peine, qui présente toutes les caractéristiques du gosse des rues et qui me dit, les yeux brillants : « Permettez que je vous embrasse ». Et il ajoute : « Vous êtes des types, vous nous avez libérés! .Qu’est-ce qu’ils prennent les boches! ».

Peu après, le propriétaire d’un des plus grands cafés de la ville, qui ne cesse de servir ses meilleures réserves, me déclare

« Moi, quand j’ai vu l’Armée secrète dans Périgueux, je n’ai pas pu y tenir. Je suis monté dans ma chambre et j’ai pleuré comme un enfant... »

Dans la foule, je distingue les hautes silhouettes du commandant Martial, commandant le département, et du capitaine Rac, commandant le secteur Nord. Leurs adjoints sont auprès d’eux, en uniformes impeccables. Ça fait plaisir de voir de vrais officiers français en tenue, dans cette ville si longtemps condamnée au gris‑vert...

Ses troupes ayant pénétrées les premières dans Périgueux, Rac (Rodolphe Cézard), le commandant du secteur Nord de l'A.S., le 19 août fait placarder dans la ville l'affiche suivante :


APPEL A LA POPULATION

Les troupes de l’A.S. du secteur Nord de la Dordogne viennent de libérer votre ville; votre enthousiasme, votre ferveur patriotique, l’accueil vibrant que vous leur avez fait, constituent la meilleure récompense pour chacun de nos combattants.

Mais que votre exaltation compréhensible ne vous fasse pas oublier que le calme et l’ordre sont à présents plus nécessaires que jamais.

Méfiez‑vous des rumeurs, des faux bruits, des commentaires généralement peu fondés, colportés par des personnes qui ne peuvent avoir sur la situation actuelle aucune information sérieuse.

La guerre n’est pas finie. Si la ville est définitivement libérée, un retour offensif des Allemands demeure encore possible pour forcer un passage. Notre mission demeure de briser toute action ennemie. 

Les hommes de l’A. S. ont déjà démontré qu’ils connaissent leur devoir. Le devoir de la population civile est tout aussi clair que chaque citoyen reste maître de ses nerfs, qu’il soit discipliné et discret.

Nos hommes, qui se battent depuis des mois, restent vigilants à leur poste de combat, à l’extérieur de la ville.

Nos troupes ne sont pas des troupes de parade. Les manifestations d’un caractère politique ne sont pas notre fait. Le moment en semble particulièrement mal choisi.

Un certain nombre de suspects ont été appréhendés ; Il s’agit là d’une mesure de précaution. Nos services de renseignements, encadrés par des inspecteurs de police et des juristes de métier, ne sont pas des tribunaux révolutionnaires.

Nous entendons assurer la sécurité de la ville dans l’ordre et la légalité. Que chacun d’entre vous nous seconde dans cette tâche, en répondant par une attitude de dignité, de calme et de discipline à cet appel que nous lançons.

Tel est aujourd’hui le devoir patriotique des citoyens de Périgueux.

Le Commandant du secteur Nord de la Dordogne A. S.
Signé : Rac

Une telle affiche à une telle époque est un document particulièrement éloquent en faveur de Rac, son signataire. Il a conservé la tête froide et ne se laisse nullement entraîner par le courant anti-collabo de l’époque, véritable torrent qui a causé tant d’abus et souvent même des crimes. Ce document est un témoignage pour l’histoire...

Voici l'édition du journal 'Forces françaises' - 27 août 1944 :






Photographies de la libération de Périgueux (source La brigade Rac) :

Entrée du 3ième Bataillon de la brigade Rac (Violette à gauche)
Devant le théâtre
Devant la mairie
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