Georges Lautrette "Eric"

Rédigé par Alain dans la rubrique Brigade Rac, Portrait

Georges Lautrette était né le 4 février 1913, à Thiviers. Il exerçait la profession de garagiste dans sa ville natale.Dès le début de 1943, sollicité par Savignac, il est acquis à la résistance et commence un travail effectif avec Rac.



Son métier le désigne pour prendre la responsabilité de toutes les questions concernant les véhicules. Avec un merveilleux courage, un oubli total de lui‑même, une infatigable ardeur, il camoufle les voitures, récupère les camions et les autos cachés par l’Armée, il les remet en état.
Son garage ne travaille dès lors que pour le maquis : peu lui importent ses affaires personnelles.
Avec de faux papiers, sans autorisation officielle, malgré la présence des Allemands et des miliciens dans la région, il circule jour et nuit pour aider à monter les maquis de Dordogne‑Nord ‑ aussi bien ceux de l’A. S., dont il fait partie, que ceux des F.T.P.
Il est de tous les coups durs de la période clandestine, sans exception. En février 1944, malgré des risques énormes, il traverse toute la Dordogne en voiture à essence pour faire un coup de main.
C’est lui qui accomplit les liaisons dangereuses à Paris, où il échappe de justesse à la Gestapo, au moment où l’un des fondateurs du Secteur Nord est arrêté.
Résistant complet, il mène de front les opérations les plus diverses et les plus délicates : mise hors d’état des batteuses et des scieries, camouflage de blessés et d’armes à son domicile personnel, participation aux parachutages, coupures et sabotages de voies ferrées, arrestations...
Sa maison est une boîte à lettres, un relais où, quatre mois avant le débarquement, il reçoit déjà dix personnes par jour, et un refuge. Rac et sa famille y trouvent asile, ainsi que des aviateurs américains de passage.
Il sacrifie tout à la Résistance : son foyer, son métier, son repos. En avril 1944, inquiété une fois de plus par la Gestapo, il est obligé à son tour de prendre le maquis et de « camoufler » sa famille. Cela ne l’empêche pas d’arrêter, à lui seul, en pleine ville, trois agents de la Gestapo et de poursuivre son inlassable action.
A Thiviers, il connaît tout le monde et tout le monde l’estime : les gendarmes ne sont‑ils pas venus, un jour, lui emprunter une mitraillette?.
A partir du 6 juin, il prend le commandement du parc auto du secteur Nord.
Il rassemble ses voitures, les fait tirer en convoi par le même camion, les met en marche. C’est un travail énorme, c’est un travail accablant. Il en vient à bout, veillant au moindre détail, commandant et exécutant, réparant et ordonnant.
Il suit le P. C. partout, s’occupe à la fois des voitures, de l’essence, des pièces de rechange et de l’outillage.
Et il continue d’être volontaire pour toutes les missions dangereuses.

Nous rapportons ci‑après ses deux derniers exploits. Du dernier il ne revint pas.

« Maison » (Georges Lautrette & Jean Chabaneix)

(Article paru dans le journal « Coude à Coude » d’octobre 1946 reproduisant le récit d’Ouzeau Raymond)

Les Merles, 11 août 1944. ‑ Grand émoi au parc auto, pensez donc : plus une goutte d’essence !
Aussitôt Georges Lautrette, en homme d’action qu’il a été jusqu’au bout, met sur pied une expédition.
Point de départ : les Merles. Point de chute : Angoulême. Moyen de transport : la Nénette... autrement dit la six cylindres Hotchkiss au gazo‑bois.
Il demande des volontaires, il en veut cinq... ils sont cinquante, cent peut‑être ! Tous veulent y aller.
Enfin, tout s’arrange, et voilà l’équipe : Georges (chef d’expédition), le Grand Marcel (chauffeur), deux flics en civil dont je n’ai jamais su les noms, un chauffeur des Pont et Chaussées d’Angoulême qu’on appelait Petit Marcel, et moi.

Départ des Merles, à 10 heures, le 12 août. Déjeuner à Nontron et départ sur Angoulême, où nous arrivons à 15 h 30, après avoir laissé la voiture dans une ferme (500 mètres avant le garage Pillon, à Soyaux).

Nous nous fractionnons en groupes de deux hommes avec ordre de se suivre de loin, sans pour cela se perdre de vue. Consigne : se réunir chez M. Mercier, à l’hôtel de Bordeaux.
Après bien des détours, nous arrivons à destination. Georges se renseigne et M. Mercier lui dit que l’essence « se tire » très vite, mais que nous aurions des chances d’en trouver chez Parouiller. Georges ne tarde pas. Il envoie tout d’abord Petit Marcel et un des flics « piquer » un camion... et nous restons à quatre. Nous sortons en deux groupes de l’hôtel, et direction chez Parouiller.

Dans la rue, des colonnes de Fritz en armes passent dans tous les sens.

Georges et le Grand Marcel entrent chez Parouiller, le flic et moi restons dehors, faisant les cent pas sans avoir l’air de nous connaître.

Alors... mais je laisse parler Georges :

Le patron, s’il vous plaît ?

‑ Voilà, monsieur..., dit un jeune homme en blouse blanche.

‑ Je voudrais vous parler, je suis inspecteur des stocks d’essence aux armées d’occupation. Et comme nous attendons de forts contingents de troupes, je viens voir l’importance de votre stock.

‑ Parfaitement, monsieur, je suis à votre entière disposition ; venez avec moi au bureau.

Ils consultent les livres, ce qui donne environ un reste de 1 500 litres en cuve. Mais, comme le fait remarquer le patron, le stock s’épuise vite; en effet, les voitures d’officiers se succèdent pour faire le plein.

Georges remercie et sort.

Une camionnette Renault à gazo monte doucement la côte, elle a l’air vide. Georges fait un signe... Elle ralentit, il saute sur le marchepied et... le geste de sa main droite qui brusquement fouille sous sa veste fait que la camionnette stoppe. Il se retourne un peu, nous fait signe d’arriver. Nous grimpons derrière, pendant que Georges et le Grand Marcel s’installent devant. Ça n’a pas duré une minute sous les yeux des boches défilant par rangs de quatre. Et la camionnette repart.

Elle s’arrête chez Pris, garagiste, route de Bordeaux. Là, sur l’ordre de Georges, nous chargeons six fûts vides et nous repartons.

Nous nous retrouvons garés chez Parouiller, la camionnette entrée en marche arrière dans le garage. Autour de nous, des boches, officiers, soldats. Une fois encore, Georges appelle le patron dans son bureau, il l’y rejoint, le Grand Marcel sur ses talons.

Mais, changement de programme, Georges, le pétard à la main, le coince contre le mur.

Je ne suis plus inspecteur !... mais maquis ! Ton essence...

‑ Ton essence... vite !

‑ Je ne peux pas...

‑ Bien... Alors, au bout de trois ! Un... deux l...

Au moment de prononcer trois, Parouiller fait le geste de détourner le pétard et fixe les yeux sur le téléphone.

‑ T’occupe pas..., dit le Grand Marcel, je suis là... en lui plaçant son « joujou » sur les côtes.

‑ Bon... ça va!... Prenez‑la !

‑ Attention ! alors, dis Georges, sans ça...

Et nous voyons revenir Georges, le Grand Marcel et le patron aussi poli et obséquieux que possible.

Allez‑y, les gars !

Et nous d’ouvrir l’arrière de la camionnette, de balancer par terre ces bidons de 200 litres dans un tapage fou, au milieu de l’indifférence des « frizous » (Ah ! s’ils savaient !...).

Nous commençons avec la pompe électrique, ce n’est pas assez rapide. Avec des pompes Japy, nous prenons par les trous de jauges des citernes. Chaque bidon plein est soigneusement bouché et grimpé sur le véhicule. Nous emplissons nos six fûts, il était temps... les cuves sont vides. Le chauffeur fait les gaz. Georges s’approche du patron qui blémit davantage de minutes en minutes.

Il est 7 heures moins le quart ; si avant 9 heures tu as donné l’alerte... tu ne vaudras pas cher ! Des copains se chargeront de toi.

Et nous sortons d’Angoulême sans encombre par les blockhaus de la rue de Périgueux.

Nous sommes restés trois heures et demie à Angoulême et nous repartons avec 1 200 litres d’essence.

Nous prenons la voiture au passage et, à part un camion que nous sommes obligés de dépanner sur la route (camion que les F.T.P. viennent de piquer à Ruelle), ce qui nous fait perdre une bonne demi‑heure, nous rentrons à Saint‑Saud, où un bon souper nous attend et nous réconforte. Surtout notre chauffeur qui n’a pas mangé de pain blanc depuis fort longtemps.


Leur dernière aventure

(Récit de Raymond Ouzeau, paru dans le journal « Coude à Coude » de septembre 1946)

Le 17 août, nous repartons pour Angoulême.

Georges Lautrette, Dorne, le Grand Marcel, Jean Chabaneix, Léon Leymarie dit Pierrot, Locher père, le Petit Marcel et moi.

La camionnette et son chauffeur, l’inséparable Hotchkiss, nous conduisent à la même ferme que trois jours auparavant.

Nous formons quelques groupes et doucement nous nous rendons au « Bon Accueil », à S..., où demeure le Petit Marcel, pendant que ce dernier embrasse sa femme, Georges prend ses dispositions, forme les équipes et décide qu’on se retrouvera, échelonnés autant que possible, chez B... On demandera au garçon ... un vichy‑fraise !

Je fais équipe avec le Petit Marcel, nous partirons les derniers.

En tête, Georges et le Grand Marcel, après... Chabaneix et Locher, ensuite Dorne et Pierrot... et nous enfin.

Et chaque groupe de se glisser dans la foule des « frizous », des Hindous et de toute la racaille à la solde du nazi. Souvent, je m’assure que mon « pétard » ne met pas le nez à la fenêtre et que ma grenade se tient bien sage au fond de la poche de mon pantalon.

Nous nous retrouvons tous chez B... qui est littéralement submergé de marins italiens qui se chamaillent. Enfin, nous trouvons une place à l’intérieur où nous voyons Georges attablé avec la patronne, sa sueur et des amis d’Angoulême.

Nous buvons deux ou trois tournées qui nous sont servies sans commander, et le garçon nous murmure : « Hôtel de Bordeaux » ...

Nous partons tranquillement. Nous souperons là, y coucherons et le lendemain matin, à 10 heures, Georges viendra nous chercher dans nos chambres.

A son arrivée, il annonce qu’il y a du nouveau ! ... Grâce à des tuyaux qu’il a eu je ne sais où, et piloté par un carrier qui travaille non loin de la « cabane bambou », il est allé ce matin avec Locher parler au chef du poste allemand.

Ce dernier accepte de venir avec nous, mais sur ses dix hommes que compte le poste, trois sont douteux... On devra les abattre s’ils bougent. Il faut être sur place pour la soupe du soir... entre 19 heures et 19 heures un quart. Il y a du matériel, et trois camions sont nécessaires.

Alors qu’il parle, un beau gazo‑bois « Berliet » s’arrête devant l’hôtel. C’est un camion laitier à vide... Un seul chauffeur !

Viens avec moi, Pierrot ! dit Georges.

Ils sortent ensemble. Quelques minutes passent et... le camion repart, Pierrot à côté du chauffeur; ils simuleront une panne à proximité du rendez‑vous. Georges revient et continue :

Dorne ira s’allonger dans l’herbe, aussi près que possible du poste, pour surveiller, au cas où un piège nous serait tendu. Chabaneix, Locher « piqueront » un camion où ils pourront. Le Petit Marcel et moi... mêmes ordres. Georges et le Grand Marcel se débrouilleront dans le même sens.

Après un déjeuner rapide, chaque groupe va de son côté à la chasse aux camions. Mais Angoulême change de jour en jour, devient de plus en plus agité, et les camions sont réquisitionnés en masse par les « salopards ».

Aussi, nous arpentons les rues sans succès... Les rares camions civils qui circulent sont bondés de boches.

L’équipe Georges et l’équipe Chabaneix en sont réduites aux mêmes constatations. Enfin, après plusieurs heures de recherches, Georges aperçoit devant un garage un superbe camion allemand au gazo. Le « ventilo » ronfle ; on fait les gaz ! Il s’approche, se renseigne, le véhicule est fini, sort de réparation, prêt à livrer. C’est un excellent engin qui marche à la perfection.

Georges et le Grand Marcel ont le sourire en écoutant, mais voilà le chauffeur boche qui arrive à ce moment‑là !...

Camion fini ? et, sur réponse affirmative : Moi partir!

Georges s’approche et lui demande de bien vouloir le remorquer... Son camion imaginaire n’est pas très loin !... dans la rue à côté.

Le boche hésite... refuse tout d’abord, et déclare : Pas plus cinq cents mètres, alors !

Au cours de la discussion, Chabaneix et Locher, que le hasard a conduits par là, arrivent, attirés par le bruit du ventilateur. Ils reconnaissent Georges et s’approchent. Georges prend Locher, le pousse dans la cabine et le Grand Marcel monte derrière, avec Chabaneix. Le camion démarre et Georges dit à Locher en sortant son « pétard » : Présente‑nous à Monsieur!

Le boche est suffoqué et... après deux ou trois écarts, fait l’itinéraire donné par Georges et traduit par Locher qui lui fait un speech formidable en le désarmant. Et le camion roule vers son destin...

Le Grand Marcel et Jean Chabaneix se congratulent réciproquement à plat ventre dans le camion, qui prend la route de Bordeaux.

Mais tout à coup, les événements se précipitent alors que tout semblait bien se dérouler... A la troisième barrière à gauche de la route, sur la voie, un train de troupes est arrêté ; des soldats « café au lait » sont descendus des wagons où ils étouffent par cette torride journée du 18 août. Ils sont allongés sur le ballast ou même jusque sur les bas‑côtés de la route, leur arme individuelle à portée de leur main.

Le chauffeur du camion, enhardi sans doute par la vue d’un si grand nombre de camarades, se met à zigzaguer en criant à pleine gorge dans son langage.

Georges, sans hésiter, lui loge une balle de revolver dans la tête, et pendant que le camion sans conducteur s’écrase sur le côté de la route, il crie à Locher et aux autres : Tout le monde en bas !...

Mais toutes ces péripéties ne se sont pas déroulées sans éclats, et les Hindous allongés sur le ballast, sans attendre, ouvrent un feu d’enfer sur les civils qui se sauvent.

Et c’est là que nos chers camarades Georges Lautrette et Jean Chabaneix sont tombés, mitraillés à bout portant par plusieurs centaines de boches déchaînés.

Locher, blessé d’une balle au bras, et le grand Marcel, contusionné au visage, ne durent qu’à leur bonne étoile et à leurs longues jambes de s’en sortir en fuyant vers la poudrerie.

Le petit Marcel et moi, qui avions « piqué » un camion... entendons au loin la fusillade et écoutons les rumeurs de la foule : Maquis tués!... Maquis prisonniers !... décidons d’aller au plus près pour voir, nous sommes accueillis par des rafales de mitrailleuses et de F. M. qui nous poursuivent jusqu’à la lisière d’un petit bois où nous courons nous mettre à l’abri.

Suivant les ordres de Georges, en cas de coup dur, nous rejoignons la voiture par un détour de plus de dix kilomètres. Et c’est grâce à M. L..., entrepreneur à Angoulême, que nous arrivons à regrouper les six rescapés de cette tragique expédition.

En arrivant au P.C. des Merles, nous apprenions la libération de Périgueux.

Les corps de Georges Lautrette et de Jean Chabaneix furent laissés sur place par les Allemands; ils voulaient épouvanter les passants, et puis, comme il pensaient que des camarades viendraient pour les enlever, ils établirent des postes de guet camouflés... qui restèrent bredouilles car tout le monde se méfiait.

La chaleur était étouffante, aussi les glorieuses dépouilles furent‑elles finalement enlevées par les services municipaux, qui les conduisirent au cimetière de Bardines, route de La Rochelle, où elles furent inhumées dans le carré réservé aux miliciens sous des noms supposés.

C’est là que Tom les récupéra, quelques jours plus tard, de nuit, pour les placer dans le caveau d’un ami. Il les reprit, après la Libération, pour les rendre à leurs familles.tout entier à la libération du pays.

Extrait du livre 'La Brigade Rac' par Capitaine Fred :

« Tac, tac... » ... « Tac, tac... », c’était sa façon de passer inaperçu quand il traversait Thiviers après le couvre‑feu, chaussé de ses gros sabots, sans lesquels il risquait toujours le « faux‑pas ».
Faites très attention, disait‑il, les Feldgendarmes patrouillent dans le patelin ; il ne s’agit pas de se faire repérer.
Il allait et venait, ainsi, pour voir Pierre, Paul ou Jacques, avec lesquels il prétendait avoir convenu d’importants entretiens.

Personne ne sut jamais où il se dirigeait et ce qu’il allait y faire. Il avait une manière à lui de s’engager et de se tirer d’affaire que nous ne pouvions comprendre ; celle du « terroir » sans aucun doute.
Sa grande satisfaction était de rentrer avec un « cadeau ». Quand il avait réussi un « coup », son visage s’illuminait, il s’esclaffait ; encore une bonne blague faite à l’occupant. Dans son garage de la route de Limoges et dans sa réserve située de l’autre côté de la voie ferrée il commit les pires « infractions » au régime. II avait une superbe réplique : T’inquiète..., ce qui devait suffire à vous rassurer.
Rac, sa femme et Tom se souviennent fort bien de ce réveillon de Noël 1943 où Andrée Lautrette avait mis les petits plats dans les grands, pour la famille et quelques amis. A l’apéritif, lait de Montbazillac (que Georges allait chercher par petits barricous au nez et à la barbe des Allemands), le maître de maison donna des signes évidents d’impatience; il se trémoussait sur son siège, regardait sa montre, se grattait la tête... puis il se leva, descendit l’escalier, tira le rideau du garage, et l’on entendit la Simca prendre la route.
Où va‑t‑il encore ? ‑ On verra bien ; et l’assistance fit semblant d’oublier son absence.

Une heure plus tard, alors que les convives venaient d’attaquer le foie gras maison, Georges se faufila en silence et reprit sa place à table. Mais qu’as‑tu fait ?... on dirait que tu as le hoquet ? ‑ Ce, ce... ce n’est rien, une course urgente.
Nous étions à la fois sceptiques et inquiets : Mais encore ? Rac lui demanda un tête‑à‑tête de quelques instants : Alors ? d’où viens‑tu ? ‑ Je viens... je viens de faire sauter la scierie de Corgnac. ‑ Tout seul ? ‑ Bien sûr !
Il but une gorgée, le hoquet se passa et la fête prit dès lors l’allure d’une victoire.
Il était bon et généreux, prêt à accomplir toutes les missions qui pouvaient se présenter. Il s’acquittait de ces tâches avec humour. Je crois même que, dans les moments les plus difficiles, il trouvait le temps pour rire, car il voyait les choses simples, très simplement, un atout majeur, qu’il n’est aisé de s’approprier.

Il avait tout offert à Rac (Christian), son amitié, son temps, sa famille, son foyer, sa situation. Il n’avait pas hésité à mettre sa parenté largement à contribution (à Doueyras, aux Farges).
Il représente pour Rac, l’ami, le vrai, et la Résistance dans sa signification la plus sincère. Georges est au centre des anecdotes les plus pimentées. Vous en lirez certes quelquesunes. C’est bien lui. Il avait toujours un « truc »... Les services officiels du ravitaillement l’avaient chargé ‑ ironie du sort ‑ de convoyer le tabac destiné aux rationnaires de Thiviers et des villages voisins. Lautrette disposait en effet d’un véhicule fonctionnant parfaitement, un gazo‑bois. Pauvre Georges, il n’eut jamais la chance de rentrer à bon port avec son chargement... il était systématiquement attaqué par le « maquis » quelque part en rase campagne, entre Nontron et Saint‑Jean‑de‑Côle. Curieux n’est‑ce pas ?
Le lendemain, il retournait s’approvisionner, et le second voyage s’effectuait toujours sans le moindre incident. Inutile d’ajouter qu’il en riait aux larmes.
Le manque d’essence était sa bête noire. Savoir qu’on était obligé de rouler tant bien que mal, et plutôt mal que bien, au bois, au charbon, au gaz ou au benzol, le rendait malade. C’est ainsi qu’il monta la fructueuse opération de Rochechouart... 3 500 litres de carburant pris dans un dépôt allemand.
Mais Lautrette, qui avait déjà pratiquement tout sacrifié à la Résistance, s’était promis de frapper un grand coup. Il s’était renseigné du côté d’Angoulême (occupé), avait pris quelques contacts qui devaient être payants, pour un « raid » à Puymoyen, à quelques kilomètres au sud de la ville. Un dépôt de munitions commandé par un adjudant « chancelant » avec une quinzaine d’hommes, du matériel roulant et des armes, cela ne se néglige pas.

Il n’eut aucune difficulté pour gagner à sa cause le lieutenant Dorne (qui lui succéda à la tête du parc auto) et quelques intimes. Le plan était valable. Rac lui donna l’autorisation d’opérer en territoire ennemi. I1 partit, mais on avait le pressentiment que l’affaire se terminerait mal. I1 en fut malheureusement ainsi. La dernière poignée de main, le dernier regard... c’est pourtant comme cela !

(Profil tracé par Rac. )




Une stèle à la mémoire de Georges Lautrette et de Jean Chabaneix se trouve sur la Route de Bordeaux (D910) près de l'Impasse du Vélodrome (lien)


Georges Lautrette was born on the 4th february 1913 at Thiviers. He was a mechanic and owned a garage in the town. From 1942 to 1943, members of the Résistance movement 'Combat' would hold clandestine meetings at the garage. In 1943 he worked alongside Rodolphe Cézard 'RAC' (known as 'Collet' at that time) and they soon became good friends.
In february 1944 he spent all the time he had driving around the Dordogne night or day and at great risk helping anyone involved in the Résistance, A.S. or F.T.P., that was in need of help.
His home was used as a safe house for American pilots and resistants, including Rac and his family, and anyone being sought by the Germans or the Milice. The local Gendarmes in the area probably knew of his activities but turned a blind eye.

He sacrificed everything for the Résistance and in april 1944 was being looked into by the Gestapo so he in turn, with his family, had to go into hiding.
From the 6th of june he took over the responsibility of Commandement du parc auto of the FFI Sector Nord.
He was involved with the most daring of missions and on the 12th of august Georges with 5 volunteers carried out a successful operation into Angoulême to 'requisition' as much petrol as possible.
Posing as an Inspector of petrol stocks for the 'army of occupation', Georges and his accomplices stole 1,200 litres of petrol from right under the noses of the Frizous.
A few days later on the 17th of august, Raymond Ouzeau, Dorne, le Grand Marcel, Jean Chabaneix, Leon Leymarie 'Pierott', Locher Pere and le Petit Marcel and Georges as chef d'expedition, lead another operation into Angoulême to 'obtain' as many trucks as they could get their hands on.
They went into the town, stopped off at a bar (full of Italian Marines) where they were given 2 or 3 rounds 'sans commander' by the owner. A waiter then whispers in their ears "Hotel de Bordeaux". They leave for the Hotel where they are given rooms for the night.
The next morning they divide up into groups of two - Raymond and le Petit Marcel, Georges and le Grand Marcel, Chabaneix and Locher, Dorne and Pierrot. They head into the centre of town looking for trucks to pinch, but Angoulême is brimming with the boche and all civilian trucks have been requisitioned by them.
After lunch and several hours later Georges notices that in front of a garage there is a superb open back german truck. The engine is running and it is being re-fuelled.
As soon as it's been filled up the german driver returns and is ready to leave. Georges approaches him up at his cab and asks for help with an imaginary vehicle which has broken down not far away. At first the boche refuses help and then incredibly says "you're sure it's not far?". George and Locher jump in the cabin and le Grand Marcel and Chabaneix quietly jump on the back. To the amazement of the driver Georges pulls out his revolver, disarms him and tells him to drive on.
They take the route de Bordeaux but as they approach the 3rd barrier out of town near Puymoyen, a train full of german troops pulls in to the station and some Indian soldiers known as 'cafe au laits' who are on the pay of the boche get off the train. The German driver of the truck seeing them starts to zig-zag accross the road and shouts to them for help. Georges shoots him and the truck crashes into the side of the road. He shouts to Locher and the others to get off the truck. The Indian soldiers and hundreds of Germans on the train have noticed and open fire on the truck and any nearby civilians. Georges Lautrette and Jean Chabaneix are shot dead. Locher who has been shot in the arm and le Grand Marcel run for their lives and luckily escape. Le Petit Marcel and Raymond are travelling behind in a truck they stole earlier and pull over nearby hearing shouts of "maquis killed", "maquis prisoners". They drive nearer to the scene but are welcomed by rounds of machine gun fire, luckily they are able to make their escape.
Those that have escaped meet up later at a pre arranged hide-out where they hear the news that Périgueux has been liberated.

The bodies of Georges Lautrette and Jean Chabaneix are left by the Germans at the spot where they fell as a warning to those who pass by and also as a trap for any of their comrades that might come to collect the bodies. It is august and the heat is stiffling and after a some while the bodies are picked up by municipal
workers and taken to the cemetery at Bardines, route de la Rochelle. A few days later during the night 'Tom' (Jean Nicard) of the Brigade RAC transports the bodies away and they are kept in the cellar of a friend until after the liberation of the region when they are returned to their families.

On the 30th of october at  l'Eglise de Thiviers a memorial was held for Lieutenant Georges Lautrette, the whole town attended to pay their respects to a true hero of the Resistance, un maquisard de la premiere heure and one of the founders of the A.S. Dordogne Nord.

Less than two weeks after Georges and Jean's ill fated mission into Angoulême the town was liberated.



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